La Bohême Et L'ivraie

La critique de Silamphre pour Omerveilles :

Ylvain est un kineïre. Comprenez un artiste doté de capacités psioniques, capable de projeter des sensations directement dans votre système nerveux. Après son renvoi de l’Institut, lieu de formation des kineïres officiels, qui sont acclamés dans toute l’Homéocratie, Ylvain va devenir autodidacte. Il échouera sur Still, lieu de naissance de la Bohème, un mouvement utopiste de jeunesse qui commence à faire des émules sur tous les mondes humains.

Sur Still, Ylvain va rencontrer Ely, la kineïre qui projette sans psychotropes, La Naïa, belle guerrière qui deviendra sa protectrice, et Made, la jeune prodige de l’Institut qui se ralliera à sa cause au lieu de le détruire. Ylvain est un super-kineïre, le meilleur de l’univers, et représente donc une menace pour la bonne société. Son Art est total et remet en cause les fondements d’une Homéocratie qui se sclérose. La mystérieuse Commission Ethique, qui tire les ficelles gouvernementales, ne voit pas d’un bon œil le kineïrat sauvage qui se développe autour de lui et décide de l’éliminer. Le récit de l’apprentissage d’Yl vain devient celui de sa révolte avec la Bohème, pour semer des graines d’Ivraie, et de sa traque par la Commission et l’Institut Kinéïque. Jusqu’à l’issue finale, aussi surprenante que jouissive.

Premier roman d’Ayerdhal, sorti en quatre parties au Fleuve il y a maintenant vingt ans, La Bohème et l’Ivraie reste à mon avis l’un des meilleurs space opera français. Yal y glisse des notions de philosophie politique sous forme d’en-têtes à chaque chapitre, et réussit à nous instruire en nous divertissant. Il excelle dans la création d’individus s’opposant à de grosses machines bureaucratiques et déshumanisantes. L’auteur esquisse des sujets graves d’une plume légère. Le background philosophique et politique est très dense, mais jamais indigeste. Il contribue à l’immersion et à l’identification aux personnages. Les quatre héros, correspondant aux quatres parties de l’ouvrage, sont complémentaires. Chacun représente une façon différente d’appréhender le kineïrat, chacun a un rapport singulier à l’existence. Les trois femmes finissent toutefois par se ressembler, étant toutes compagnes d’Ylvain.

Toutes les thématiques fortes des romans suivants d’Ayerdhal (personnages seuls et incompris face à la multitude, identités sexuelle et de genre, anticapitalisme, subversivité de l’art…) sont ébauchées dans la Bohème. Que dire de plus, sinon que ce roman est une merveille, et que je me suis rarement senti impliqué à ce point dans une lecture.

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